Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Aux mouchoirs exaltés
3 janvier 2013

Le décès de vingt minutes

Un instant une histoire.

Il faut la rêver, faire vite.

 

C'est un enfant sur une route – ne pas chercher pourquoi, accueillir l'image seulement, la bercer. Un silence, le temps d'un soupir ; puis l'étendre. C'est un enfant sur une route, une fillette en nu-pieds, elle se tient droite et triture (une pause, octosyllabes malgré soi) la poussière qu'elle soulève à chaque pas. Du bout de la chaussure elle gratte, déloge un caillou qui rote un ourlet de poussière et s'en va rouler dans le fossé. Elle est toute rougie de poussière, elle a la couleur du chemin. Les herbes aussi qui se tiennent le long du sentier ont le bout teinté d'argile. Elle n'avance pas, il n'y a nulle part où aller après tout, nulle part d'où venir : seulement la route, et encore, seulement ce coin du monde sans vent ni soleil, sans ombre et sans pluie, seulement ce petit trou qu'elle a gratté dans la route. Elle se penche vers lui, ses cheveux la suivent. Une jambe courbée seulement, l'autre en l'air, comme on tire la langue en réfléchissant. Là, le trou gigote, sort de lui-même : un petit insecte couleur de poussière qui fuit la taquine, rejoint sa pierre dans le fossé. Elle, elle met le doigt dans le trou, c'est bien naturel après tout, et elle farfouille. Il y a un monde là-dessous, sans aucun doute. Enfin. Le mollet tire, elle se redresse, change de jambe. Le nez en l'air, humer le rien, s'enivrer de son odeur de cuivre et de poussière. Fermer les yeux tant qu'on y est, écarter les bras et laisser venir à soi le reste, ce qu'on ne soupçonne pas, ce qui se cache, ce qui se tait. Il n'y a rien et c'est bien assez comme ça, c'est assez beau une fillette sur une jambe dans la poussière. La poussière déjà c'est assez.

Publicité
Commentaires
Aux mouchoirs exaltés
Publicité
Publicité